Anne-Lise Marais

Docteur en psychologie

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Neurosciences développementales | Imagerie cérébrale | Programmation


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Une pause après le doctorat

Mon parcours scolaire étant linéaire (baccalauréat, licence, master, doctorat), je redoutais l’absence d’occupation, de travail. J’avais peur de ne plus me sentir utile. Mon conjoint étant à une année critique de sa carrière, je me dois d'être flexible pour notre bien-être. Quoi de plus flexible que six mois sans travail ? Me voila au chômage dans une ville nouvelle et dans laquelle je ne connaissais personne en dehors de mon conjoint. Je décide de d'utiliser ces six mois pour créer de nouvelles compétences.


Projet 1 : Apprendre le Coréen

Les personnes qui prennent une année sabbatique l’utilisent généralement pour voyager, faire le tour du monde. Mais voyager de pays en pays sans pouvoir en saisir pleinement la culture n’est pas un projet pour moi. Avec mon conjoint, nous avions déjà prévu un voyage en Corée du Sud. Je n’ai jamais voyagé en Asie et j’ai hâte de découvrir une culture très différente de la mienne. J’étais déjà sûre de ne pas pouvoir être pleinement satisfaite de ce voyage si je n’apprenais pas un peu de la culture coréenne avant le voyage. C’est là que l’idée d'apprendre le coréen a émergé, c’est l’ouverture majeure vers l’exploration de ce pays. Apprendre une langue à l’âge adulte représente un défi en soi, mon pauvre cerveau n’est plus si plastique que ça. Cependant je ne pars pas défaitiste, je parle déjà trois langues (français, anglais et espagnol), mes deux langues supplémentaires n’ont pas été si difficile à apprendre. Me voilà donc embarquée dans un voyage de six mois de coréen avant mon voyage officiel en Corée du Sud. Une compétence qui restera utile toute ma vie.

Jour 0 : État de mes connaissances

Je ne connais rien à la langue, ni à la culture de la Corée du Sud. Ma connaissance de ce pays s’arrête à Dernier train pour Busan, Squid Game et Parasite, trois films/séries à succès. Je sais également que c’est le pays d’une peau parfaite, la K-beauty est très réputée. Je n’ai jamais mangé coréen de ma vie, jamais écouté de K-pop, je ne connais pas le régime politique ni l’histoire. En bref, c’est un pays totalement inconnu. Comme toute personne du 21e me siècle, je tape donc sur internet « Comment apprendre le coréen ? ». La méthode la plus « simple » est de prendre des cours avec une personne coréenne bilingue en français. Sans étonnement, ça ne cours pas les rues. J’ai toujours été autodidacte et je me convainc que je vais apprendre le coréen toute seule.

Mois 1 : apprendre l’alphabet

Jamo J’essaye de me souvenir comment j’ai appris mes trois langues et le premier pas c’est toujours l’alphabet. J’apprends que l’alphabet coréen s’appelle le hangeul (한글) et est composé de 40 jamos (자모) qui sont les lettres coréennes. On retrouve 14 consonnes simples, 5 consonnes doubles, 10 voyelles simples et 11 voyelles composées. Les jamos ne ressemblent pas à nos lettres occidentales (quoique ㅌ ressemble fortement à notre E, mais il se prononce T avec une expiration) et je sens déjà que les confusions sont faciles. A, eo e et ae se ressemblent à s’y méprendre (ㅏ ㅓ ㅔ ㅐ) tout comme o, eu et u (ㅗ ㅡ ㅜ) et c’est encore pire quand on ajoute le y- pour faire une de nouvelles voyelles (ㅑㅕㅖㅒㅛㅠ). Il faut s’y prendre petit pas par petit pas.
Je trouve deux stratégies : en premier j’achète un livre d’écriture de coréen (~15€) pour connaître les lettres en 21 jours. On apprend à les prononcer et les écrire correctement (on ne dessine pas les traits dans n’importe quel ordre). Ensuite je télécharge l’application Duolingo (gratuite mais que j’ai rapidement pris en version payante, ~80€ l’année, image ci-contre). Je passe mon mois de janvier à apprendre les différents jamos, petits à petits, d’abord les consonnes et voyelles principales puis les consonnes avec expirations et enfin les voyelles complexes qui me donnent un peu de fil à retordre. On apprend à les écrire, les prononcer, les reconnaître à l’écrit et à l’oral. Je suis aussi les leçons de l’application, j’apprends des mots basiques et les répètes après la voix robotique.

Conclusion : je travaille 30 minutes par jour. Après un mois, je connais l’alphabet et une cinquantaine de mots. Je suis incapable de former une phrase. J’ai appris à écrire mon prénom (dommage le son [Z] n’existe pas, je suis donc obligée de modifier mon prénom)

Mois 2 : la grammaire, les particules et mes première phrases

list de mot en coréen traduit en francais Après avoir complété la première unité de Duolingo, qui permet l’apprentissage de mots basiques (donc QUE du vocabulaire, image ci-contre), je passe à l’unité 2 qui s’attaque à la grammaire. Je suis désespérée, c’est beaucoup trop dur et je ne comprends absolument pas ce que je fais. Changement de stratégie, je vais à la bibliothèque et prend tous les livres que je trouve sur le coréen (environ 8 livres). Pour certains j’ai visé beaucoup trop haut. Le livre n’est pas intuitif, pas adapté à mon niveau, pas dans mon intérêt. Pour d’autres, le niveau est un peu faible, je sais déjà lire et écrire (bien que je ne comprenne rien et que je sois à la vitesse d’un enfant de 6 ans).
J’ai toujours eu l’intime conviction que pour bien apprendre une langue, il faut apprendre la culture. Je lis donc un livre qui s’intitule Le coréen pour les nuls en voyage. Je me dis qu’au moins, je trouverai toutes les phrases de base pour mon voyage, même si je ne comprends pas ce que je dis. Dans ce livre (et d’autres) je lis davantage sur la culture coréenne. J’y apprends les us et coutumes, comment se comporter au restaurant, quelques points de grammaires. J'apprends les traditions culinaires (autant ce qu’on mange que comment on le mange, c’est à dire que le plat est servi au milieu de la table et qu’on mange tous ensemble) et les bonnes pratiques pour que les coréens soient à l’aise. Mais surtout, j’apprends le respect voué aux ainés et aux supérieurs et les différents niveaux de politesse associés.
En coréen, il y a au moins quatre niveaux de politesse qu’on peut résumer ainsi : formel poli, formel impoli, informel poli, informel impoli. Et ces niveaux sont très importants dans la culture, se tromper de niveau de politesse est mal-vu. D’ailleurs le respect se retrouve sur le simple mot « oui » : 응 (eung) et 어 (eo) sont informel pour dire « ouais », 네 (né) est la forme commune « oui » tandis que 예 (yé) est une forme polie utilisée pour les personnes plus âgées ou supérieures en statut.
Ces nouvelles connaissances m’ont permis de mieux comprendre comment fonctionne cette langue. En creusant un peu la grammaire, je comprends que contrairement à nos langues occidentales auto-centrées qui fonctionnent grâce aux pronoms et aux verbes, le coréen est une langue davantage centrée sur l’objet, où les pronoms sont souvent absents et où le verbe n’est pas nécessaire. Par exemple pour dire « tu vas en Corée ? », on dit « 한국에 ? » (littéralement Corée (한국) + particule de lieu (에)). Cela est possible grâce aux particules.
Les particules sont des ensembles de lettres qui permettent de désigner de quoi on parle, de donner un sens à la phrase. Il y a des particules de sujet (가 ouㅣ), de thème (은 ou 는), d ’objet (을 ou 를), de lieu et de temps (에), d’appartenance (ㅢ) etc. Ces particules sont des suffixes qui se placent après les mots principaux de la phrase. En un sens, ça permet de mettre les mots de la phrases dans n’importe quel sens, tant que le verbe ou l’adjectif est à la fin. On pourrait dire 김은 피자를 먹어요 (kimeun pijaleur meokeoyo) Kim-sujet pizza-objet mange autant que 피자를 김은 먹어요 pizza-objet Kim-sujet mange.
photo de BD D’ailleurs ici, le verbe manger est a une forme polie mais informel (먹어요 meokeoyo), pour s’adresser à un aîné on dirait plutôt 먹습니다 (meokseumnida) qui est une forme formelle. De ce que j’ai compris pour le moment -에요 est une terminaison pour les inconnus, une forme respectueuse mais sans plus, a priori celle que je vais utiliser le plus souvent en Corée, tandis que -ㅂ니다 est une forme révérencieuse. Et quand on veut poser une question, on garde les mots dans le même ordre mais soit on change l’intonation à la fin de la phrase, on monte la voix, soit on peut changer -ㅂ니다 par -ㅂ니까. On utilise ces terminaisons sur le verbe ou sur l’adjectif (car il n’y a pas de verbe quand il y a un adjectif). Une fois qu’on comprend que la langue fonctionne différemment, l’apprentissage devient plus facile.
Je continu d’utiliser l’application pour parfaire mon hangeul, apprendre du vocabulaire et commencer à construire des phrases. Je commence à apprendre les syllabes de quatre jamos et donc les exceptions dans la prononciation. J’ai compté 19 exceptions pour le moment et je ne les ai pas encore toutes retenues. Je fais deux nouveaux achats : « Petites histoires coréennes, comptes bilingues » (~18€) qui est un achat de motivation, j’ai hâte de pouvoir le lire et en apprendre davantage sur la culture coréenne ; et « Le coréen en BD » (~15€, image ci-contre) un ouvrage pour approfondir ma grammaire et augmenter mon vocabulaire. Ce dernier ouvrage me convient particulièrement, il y a une petite BD en coréen traduite en français à côté, puis une leçon de grammaire et vocabulaire pour chaque chapitre. Je m’entraîne à lire et je refais les traductions des dialogues de manière littérale pour comprendre la construction des phrases.
J'atteins un plateau d'apprentissage. Ca devient plus difficile parce que je n'ai pas pris le temps d'apprendre par coeur les verbes à l'infinitif et mon nouveau vocabulaire. Alors je consacre une semaine à l'apprentissage par coeur : les chiffres coréens (de 1 à 99), les chiffres sino-coréens (les deux systèmes de comptage ne s'utilisent pas pour les mêmes objectifs), les verbes à l'infinitif les plus utiles, les pronoms interrogatifs et un peu plus de vocabulaire (les métiers et les lieux)

Conclusion : Je travaille deux heures par jour. Je maîtrise l’alphabet. Je suis capable de lire doucement mais je fais des erreurs sur les exceptions. Je connais environ 150 mots. Je sais faire quelques phrases comme me présenter, dire d’où je viens ou encore ce que je veux manger. Je comprends beaucoup mieux la grammaire et sans comprendre le sens complet des phrases, je peux identifier l'intention.



MMois 3 : La maîtrise de la grammaire

J’ai l’impression de stagner, mais en lisant ou j’en étais le mois dernier, je me rends compte de ma grande progression ! Former une phrase n’est plus du tout difficile. Lorsqu’elle est longue, je peux me tromper sur l’ordre des mots, mais en général mes phrases sont correctes d’un point de vu grammatical. Je peux aller plus vite dans l’apprentissage parce que je commence à comprendre comment est construite la langue. Par exemple, je peux deviner le sens d’une phrase, une nouvelle conjugaison (-십시오 semble être une forme d’impératif ou encore ajouter -ㅆ avant la conjugaison finale met la phrase au passé), je fais des liens entre les différentes leçons pour avances plus vite.
J’ai acquis pas mal de vocabulaire, même si je me trouve en deçà de mes attentes. Pour le voyage, il me manque encore pas mal de choses sur la nourriture et sur les itinéraires/déplacements. D’un côté, j’ai tendance à mélanger les mots qui se ressemblent beaucoup comme 건물, 물건 et 선물 (respectivement immeuble, chose et cadeau). D’un autre côté, j’arrive à faire des liens entre des mots pour m’en souvenir (코뿔소 qui veut dire rhinocéros, c’est une mélange d’éléphant 코끼리 et de vache 소). Pour mon plus grand bonheur, un certain nombre de mots se prononce presque pareil en anglais et en coréen, comme 많이 [mani] et many qui veulent dire beaucoup, ou encore 호텔 et hotel.
J’ai pu commencer à lire les contes coréens les plus simples. Je ne comprends pas tout, mais j’ai un vocabulaire assez étendu pour comprendre le sens général de l’histoire. Bémol : les contes sont au passé, donc j’ai du mal à bien lire les verbes parce que je n’ai pas travaillé ma conjugaison. Aussi, je ne connais pas les membres de la famille, il faut vraiment que j’apprenne ça. Le plus : je mets au travail mon vocabulaire, ma grammaire, je teste mon niveau.
J’ai pour objectif de trouver un correspondant coréen sur place, ce serait intéressant d’avoir un natif qui nous fait visiter son pays, pour nous faire découvrir des choses qu’un touriste ne ferait pas forcément en Corée. Je me suis inscrite sur un « site de rencontre » entre étrangers, mais pour l’instant c’est pas facile. Il faudrait que j’y passe plus de temps et peut être que je me mette sur plusieurs sites en même temps.

Conclusion : Je travaille une à deux heures par jour. Je maîtrise environ 300-350 mots. Je peux faire des phrases simples, de dix de mots maximum sans faire d’erreur. Je peux créer des nouvelles phrases avec du nouveau vocabulaire. Mes objectifs pour le mois 4 : savoir conjuguer parfaitement au présent (et commencer le passé), apprendre les membres de la famille et les couleurs, savoir compter jusqu’à l’infini (même doucement), prendre des cours avec un natif, trouver un correspondant coréen à Séoul.

Projet 2 : Virtuose du piano